A propos de cordes en boyau …

« N’est-il pas étrange que des boyaux de mouton puissent extraire l’âme du corps humain ?

« William Shakespeare (Much ado about nothing)

Métal ou boyau ?

Nombre de musiciens attribuent au boyau un timbre aigre et peu de puissance…c’est une idée absolument fausse !! Beaucoup de solistes modernes jouent sur des cordes en boyau (les cordes Eudoxa et Olive de chez Savarez par exemple) et reconnaissent dans le boyau une richesse de timbre et une rondeur de son difficilement accessible avec des cordes métalliques. Il ne faut pas oublier que nos grands-parents jouaient encore sur du boyau et que la corde entièrement synthétique sur les instruments à cordes frottées ne s’est réellement développée que pendant la deuxième moitié du XXème siècle !
Si les matériaux synthétiques sont peu à peu devenus plus populaires que le boyau, c’est pour des raisons économiques (moindre coûts de fabrication et plus grande longévité) et de stabilité (les matériaux synthétiques sont moins sensibles à l’hygrométrie et donc moins « capricieux »), mais en aucun cas pour des raisons de sonorité ou de tension ! Ainsi Carl Flesch écrit au début du XXème s. dans son livre d’études pour violon, que la corde en boyau sonne beaucoup mieux que la nouvelle corde métallique mais coûte 20 Reichsmarks et se rompt en 3 jours alors que la corde métallique dure 2 mois et ne coûte que 4 Reichsmarks…

Tension moderne / tension ancienne…

Contrairement à une idée communément répandue, les instruments étaient plus tendus au 18ème siècle qu’aujourd’hui !
Prenons pour exemple les cordes de violon :
Aujourd’hui une gamme de corde comme Corelli Alliance (marque Savarez) est disponible dans trois tensions de jeu : Ligth = 21.8Kg de tension, Medium = 23.23Kg, Forte = 23.92Kg.
Au siècle dernier, les jeux de cordes en boyau utilisés par les grands tels que Heifetz et Kreisler avaient une tension de 27.58Kg.
Enfin, les jeux de cordes utilisés à la fin du 18ème siècle avaient… environ 32Kg de tension !!

Provenance et travail du boyau

Le boyau doit idéalement être prélevé sur des moutons élevés dans des régions arides comme les Hautes-Alpes ou l’Afrique du Sud, car il y est plus résistant. Cependant, à causes des normes européennes, les fabricants de cordes ont de plus en plus de mal à trouver de la matière première de qualité.
Le boyau doit être soigneusement sélectionné, trié et nettoyé puis il est tourné encore humide. Lorsque la corde est sèche, on la détache : elle est alors prête à être montée sur l’instrument. Le collagène contenu dans le boyau agit comme une colle qui l’empêche de se dérouler.
La fabrication du boyau est un métier qui demande beaucoup d’expérience car les paramètres à maîtriser sont nombreux : qualité du boyau, nettoyage mais aussi tension donnée au boyau lorsqu’il est tourné etc. sont autant d’éléments qui conditionnent la sonorité du produit fini.