Ornements ou Agrémens dans la musique baroque

des notes de passage … à l’improvisation

L’ornementation est une des caractéristiques essentielles de la musique baroque.

Selon les compositeurs, elle est soit presque entièrement écrite, soit représentée par des signes, soit improvisée sans que la partition ne porte aucune indication.

On appelle Agrémens, dans la musique, soit vocale, soit instrumentale, tout ce qui est capable de rendre un chant plus agréable. »

Dictionnaire de L’Académie française, 4eme Edition (1762)

« D. Qu’EST-CE qu’un agrément en général?
R. Ce n’est souvent que l’addition de quelques petites notes réelles ou supposées, et qu’on appelle pour celà, notes passagères »

Cette définition simple de l’Abbé Duval (dans ses Principes de la musique pratique, par demandes et par réponses) nous invite à considérer l’ornementation non comme une « masse » obligée et pesante à ajouter à la ligne musicale, mais comme quelques grâces, subtilités, douceurs, emportements et émotions complémentaires suscitées par la mélodie, l’harmonie et surtout par le texte.

L’importance que les traités accordent aux différents types d’ornements prouve à quel point le souci de ne pas négliger un des aspects les plus caractéristiques de l’interprétation de l’Opéra Baroque était grand à l’époque. Un des avantages essentiels des œuvres des XVIIème et XVIIlème siècles résidait dans la liberté du choix des ornements et la faculté que l’artiste avait de les adapter à ses propres capacités d’expression. Une réelle recréation de l’ouvrage devenait alors possible

Dans ses Principes de Musique (1736) Monteclair nous donne une idée précise sur la diversité de l’ornementation et nous révèle l’extrême richesse de la musique baroque.

« Il y a Dix huit agréments principaux dans le Chant. Sçavoir, Le Coulé, Le Port de Voix, La Chûte, l’Accent, Le Tremblement, Le Pincé, Le Flatté, Le Balancement, Le Tour-de Gosier, Le Passage, La Diminution, La Coulade, Le Trait, Le Son filé, Le Son enflé, Le Son Diminué, Le Son glissé, et le Sanglot ».

 

Dans l‘Art ou les Principes philosophiques du chant de 1756, Jean Blanchet guide l’interprète sur le choix et la fréquence qu’il convient de donner aux divers agréments au sein d’un Air

« J’exhorte les gens à talent et les amateurs à se souvenir que c’est surtout au caractère des passions, à leurs dégrés et à leurs nuances de décider le choix et la durée, l’énergie ou la douceur, la vivacité ou la lenteur des agrémens, et que par égard pour la variété qui est l’ame des plaisirs, on doit bien se garder de les répéter dans les mêmes morceaux de Musique, du moins à une trop foible distance de l’endroit où on les a exécutés »

Et Boisquet (1812), par une image délicate, définit ce que l’on appelait à l’époque baroque « le bon goust » :

« Ayant chacun une fleur qui peut embellir un sentiment, si l’on en joint plusieurs ensemble, la cohérence des idées ne se trouve plus; et quand on emploie l’un pour l’autre, l’alliance est mauvaise. Un compositeur habile les incorpore dans sa musique; et le chanteur qui en a conçu les rapports, peut, avec beaucoup de précautions, en ajouter pour augmenter l’effet. C’est ce que j’appelle Goût du chant »

Extrait de « Traité de Chant et Mise en scène Baroques » – Michel Verschaeve – Zurfluh 1997

L’improvisation est d’usage dans les cadences à la fin de certaines pièces …

« Cet ornement arbitraire se fait par la partie principale, selon la volonté et la fantaisie de celui qui exécute, à la fin de la pièce, sur la note pénultième de la basse, savoir la quinte du mode dans lequel la pièce est composée. (…..) Il arrive quelquefois que par distraction on ne saurait inventer quelque chose de nouveau sur le champ ; alors il n’y a pas de meilleur moyen que de choisir un des passages les plus agréables et d’en former une Cadence. On pourra par là non seulement suppléer toujours au défaut de l’invention; mais on ne manquera aussi jamais de satisfaire au sentiment qui règne dans la pièce. »

Quantz : Essai d’une méthode pour apprendre à jouer de la flute traversière avec plusieurs remarques pour servir au bon goût dans la musique …. (ch XV des Cadences)

… mais aussi dans les préludes

Dans l’Art de toucher le clavecin (1703) , François Couperin écrit : « Quoy que ces Preludes soient écrits mesurés, il y a cependant un goût d’usage qu’il faut suivre. Je m’ explique. Prelude est une composition libre, où l’imagination se livre à tout ce qui se présente à elle. Mais, comme il est assés rare de trouver des genies capables de produire dans l’instant, il faut que ceux qui auront recours à ces Préludes=réglés les joüent d une maniere aisée sans trop s’attacher à la précision des mouvemens, à moins que je ne l’aÿe marqué exprès par le mot de Mesuré. Ainsi, on peut hazarder de dire, que dans beaucoup de choses, la Musique (par comparaison à la Poésie) a sa prose, et ses Vers.Une des raisons pour laquelle j ai mesuré ces Préludes, ça été la facilité qu’on trouvera, soit à les enseigner, ou à les apprendre.« 

L’improvisation est enseignée dans les traités

Dans son livre The Division Viol , Christopher Simpson donne des explications détaillées sur l’art d’improviser librement sur une basse obstinée . On appelle en effet divisions certaines variations communes dans la musique des 16ᵉ et 17ᵉ siècle dans lesquelles chaque note d’une ligne mélodique est « divisée » en plusieurs notes plus rapides, formant une ornementation.