Diapasons et tempéraments en musique baroque 

L’usage d’instruments anciens ou de leurs copies impose le choix d’un diapason et d’un tempérament différents de ceux des instruments « modernes » .

Quelques notions de physique des sons permettront de comprendre l’importance du choix du diapason et du tempérament.

Tous les sons peuvent être représentés par des courbes plus ou moins complexes représentant les vibrations de l’air (variations de pression en fonction du temps).

Le son « pur » produit par la vibration des branches d’un diapason se traduit par une courbe sinusoïdale parfaite dont la fréquence (f =  nombre de vibrations par seconde) détermine la « hauteur » du son, tandis que l’amplitude (A) détermine son « intensité ».

L’octave est l’intervalle sonore le plus simple, la fréquence de la note aiguë étant double de celle de la note grave. 

L’homme est sensible aux sons dont la fréquence est comprise entre 16 Hertz et 20 000 Hertz, ce qui correspond à un peu plus de 10 octaves.

Si on fait résonner ensemble deux diapasons de hauteurs différentes, mais très voisines (par ex  18 et 20 Hz), l’amplitude du son résultant subit de continuelles fluctuations : cette variation périodique du volume sonore produit un effet désagréable nommé « battements ».

Un son musical résulte de la combinaison d’un grand nombre de sons purs, qu’on appelle harmoniques.

Une même note, jouée sur des instruments de musique différents ou chantée par des voix différentes, produit une sensation auditive différente : ce « timbre  » dépend du rapport des intensités des harmoniques qui composent la note.

Quand des battements se produisent entre les différentes harmoniques composant les notes jouées simultanément, nous ressentons une dissonance désagréable

Il est donc important de choisir un système d’accord cohérent .

La notion de diapason était inconnue à l’époque baroque

    De nos jours, la fréquence universellement adoptée pour accorder les instruments de musique est le LA 4 de la gamme, fixé à 440 Hz, c’est-à-dire 440 vibrations par seconde.

    En étudiant la facture des instruments anciens, on s’aperçoit que la fréquence de ce « LA « était variable (entre 392 et 465 Hz) selon les lieux, les époques et le genre de musique auquel ces instruments étaient destinés !

    Pour simplifier leur usage actuel, et permettre de jouer l’ensemble du répertoire baroque, les copies d’instruments anciens sont actuellement accordées au « LA 415 » (soit 1/2 ton plus grave que le diapason moderne ) ou au  « LA  392 » (1 ton plus grave).

    Ces choix sont d’une grande importance également pour les chanteurs !

     

    Les notes de la gamme constituent l’échelle des sons utilisés pour composer une musique.

    La fréquence des différents degrés d’une gamme est une question délicate qui a trouvé des solutions différentes selon le type de musique, les instruments ou les époques.

    Traditionnellement et jusqu’au milieu du XVᵉ siècle, les instruments à sons fixes étaient accordés par quintes pures (sans battements), ce qui correspond à un rapport de fréquences égal à 3/2=1,5  : c’est le système pythagoricien.

    L’échelle pythagoricienne est le produit d’un cycle de quintes justes mises bout à bout. Le cercle obtenu n’est en réalité pas fermé : il s’agit d’une spirale sans début ni fin.

    Un cycle de 12 quintes commençant par Do (Ut) représente une étendue légèrement supérieure à 7 octaves. Ainsi le Si# diffère du Do d’un intervalle appelé « comma de Pythagore » , qui correspond à peu près à 1/8 de ton.
    Construite exclusivement sur des intervalles de quintes pures, la gamme pythagoricienne est constituée de 11 quintes justes et d’une quinte plus petite, inutilisable, appelée « quinte du loup ».

    Ce « comma de Pythagore » doit donc être réparti en moins (également ou inégalement) sur le cycle des quintes pour permettre aux instruments à sons fixes (et en particulier aux claviers, limités à 12 sons par octave) de produire un maximum de consonances : différents compromis sont envisageables qu’on appelle tempéraments.

    Le tempérament est un compromis visant par des moyens empiriques à constituer une échelle musicale susceptible de s’accommoder de toutes les combinaisons de sons qu’on voudrait lui faire supporter.

    Il crée une situation harmonique propre au goût et aux exigences d’un lieu, d’un genre, d’une époque.

    Le tempérament égal utilisé de nos jours par les instruments « modernes » est caractérisé par des intervalles de quintes tous égaux entre eux, qui battent légèrement et de la même façon, de sorte qu’aucun intervalle n’est parfaitement juste au sens physique du terme. Toutes les tonalités sonnent donc de la même manière.

    Ce tempérament n’a fait son entrée dans la vie musicale qu’à la Révolution, en même temps que le système métrique, et c’est en France qu’il s’est imposé en premier lieu…  Auparavant, l’accord des instruments s’effectuait en privilégiant la justesse de certains intervalles au détriment de certains autres.

    Les tempéraments mésotoniques sont des compromis qui privilégient la justesse des tierces au détriment de celle des quintes.

    Les tempéraments inégaux sont postérieurs aux tempéraments mésotoniques dont ils constituent des variantes améliorées. La consonance des intervalles couramment utilisés y est privilégiée sur celle des intervalles peu fréquents.

    Les compositeurs de l’époque baroque utilisaient ces différences dans le choix des tonalités de leurs compositions et des instruments utilisés, pour exprimer toute une palette de sentiments : la joie, la tristesse, la douceur, la tension, etc.

    Les instruments à accord fixe, tels les instruments à vent (flûtes, hautbois, …) et les orgues, étaient conçus pour un tempérament, voire un diapason particulier (sauf quelques instruments transpositeurs).

    Ces différences sont naturellement gommées par l’usage d’instruments modernes accordés en tempérament égal.

     

    Exemple comparatif sur le même extrait et le même orgue de la Fantaisie en sol mineur BWV 542 de JS Bach par Jean Yves Asselin à l’orgue Wolff (1981) de l’université Mc Gill à Montréal (Québec). 1° fois avec tempérament Werkmeister IV et 2° fois tempérament égal. Le tempérament est modifié ici à l’orgue par l’usage de bagues mobiles sur les tuyaux. (Document Erato musique et tempérament 1985.)